bribes de mémoire 74. Le désert algérien
Une envie irrépressible nous attire vers le désert, fantasme puissant pour les Européens que nous sommes. Ainsi, à la première occasion de quelques jours de vacances, nous descendons vers les oasis dont Touggourt inaugure l'aventure. Dès les premières dunes, le monde change autour de nous. L'agitation, les klaxons et les cris incessants de la ville sont remplacés par le silence paresseux, secret et feutré du Sahara. Autant Constantine ressemble à une fourmilière, ici, l'humain devient rare. Dromadaires presque plus nombreux au kilomètre carré! J'en profite, d'ailleurs, pour en "chevaucher" un : la "montée" est aussi vertigineuse que la "descente" mais nous redevenons des enfants, enivrés d'un terrain de jeu jusque là inconnu! Les dunes magnifiques d'une ocre claire longeant la route de Touggourt à El Oued nous incitent à nous rouler dans le sable tiède extraordinairement fin et à pousser des cris dans ce silence assourdissant! Un "bac à sable" gigantesque qui se déplace et qui change sans cesse de forme, au gré du vent et de la lumière! Je commence à comprendre l'attirance irrépressible de certains penseurs vers le désert : je n'ai jamais "entendu" un tel silence... Il exclut soudain la vaine agitation du monde et vous renvoie face à vous-mêmes, aux questions essentielles et dénudées de l'existence. Mes élèves me disent souvent : "Mais Madame, pourquoi allez-vous au Sahara? Il n'y a rien à voir!" Pour eux, la grande ville est un aimant. A chacun son mirage...
Les palmeraies parfois minuscules se signalent de loin par la petite touffe de verdure, seules les cimes dépassant du sable, creusé à plusieurs mètres de profondeur à la recherche de l'eau. La nuit, il faut remonter inlassablement, à dos d'homme, les infimes particules apportées par les vents pour empêcher l'ensablement des précieux dattiers. Si quelqu'un a lu le roman d'Abe Kobo "La femme des sables", a une idée de cette tâche de Sisyphe...