Avec ou sans neige...
Nous sommes en fin de janvier, en plein hiver. Sans neige. Personnellement, elle ne me manque guère : elle fait partie des choses qui me rendraient la vie plus difficile... Je me vois marcher en équilibre laborieux vers le boulanger, sur les trottoirs en pente de notre quartier, transformés en patinoire par les couches successives de neige gelée... Tenter d'atteindre la poubelle sur la terrasse sans déraper... Gratter la givre sur les carreaux de la voiture et démarrer en grelottant, les mains gelées... Devrai-je me résigner désormais à avancer à petits pas, navigant à vue (en baisse) parmi les obstacles, essayant d'éviter celui qui compliquerait mon quotidien. Tout un travail, sachant qu'une seule chute peut changer radicalement mon existence. Sans compter la chape de plomb du ciel d'hiver qui, dans notre région, distribue très rarement quelques rayons de soleil furtifs.
Aussitôt, les souvenirs affluent des hivers mémorables d'antan. Comment est-ce possible que lesdits obstacles n'existaient pas alors? Pourtant, les hivers étaient incomparablement plus sévères! Et ma mère qui avait des principes impitoyables en vue de préserver notre santé, nous mettait dehors, mon frère et moi, après l'école, pour prendre l'air frais, jouer dans la neige, pendant un temps qui me semblait interminable... Nous rentrions à moitié congelés, pieds et mains douloureux (pourtant protégés par des gants et chaussettes chauds), les joues roses et du givre collé sur les cils! J'ai le souvenir réconfortant que l'on me frotte les mains et les pieds endoloris par le froid... Le soir, trois générations s'installaient autour du poêle pour raconter des histoires, écouter un match ou une retransmission théâtrale à la radio, les mains occupées à égrainer le maïs, à tricoter ou à raccommoder, à piler le piment séché dans un mortier en cuivre...
Il est vrai, c'était encore des années sans télévision.
(illustration: image du Net, Fortepan)