Roseau pensant
Le Soleil, timidement, essaie de tenir ses promesses qu'il a consenties à mes sollicitations intimes. M'offrir un petit sursis, par-ci, par-là, jusqu'à mon anniversaire. Mais voilà, je viens de trahir, en le révélant, cet accord secret. Sera-t-il assez magnanime pour avoir, quand-même, de l'indulgence pour ma faiblesse? Pauvre pécheresse qui est prête à ce genre de traîtrise sur l'autel de l'écriture!...
J'ai repris un projet plus ancien, faute de pouvoir continuer celui (des mères et des filles), bien entamé mais que je dois laisser mûrir encore. Trop complexe, trop douloureux et grave, pour "amuser" le public. Je le ferai, j'en ai besoin mais pas pour satisfaire une attente qui me met sous pression, pieds et poings liés. Je ne devrais pas évoquer mes projets à l'avance, avant de les avoir achevés. Difficile de résister à l'envie de partager mes enthousiasmes car leur évocation participe à leur élaboration. Je me fais l'impression d'un faible roseau dans le vent.
Hier soir, j'ai regardé "La Grande librairie", avec beaucoup d'invités. Ces derniers temps, il y a de plus en plus de femmes qui se lancent sur ce terrain piégeux qu'est l'écriture. Plutôt, je crois qu'il y en a eu toujours beaucoup mais on leur offrait moins de visibilité. Et elles se défendent drôlement bien! La sérieuse affaire de l'écriture devient de moins en moins le terrain de jeu des hommes qui pouvaient s'y consacrer libres de la plupart des exigences de la vie quotidienne, usantes et chronophages. Lorsque je les regardais pérorer, imbus de leur importance, je ne pouvais m'empêcher de penser à une figure féminine derrière eux, payée ou non, qui s'affairait, invisible, pour que le grand homme ait son linge propre sous la main, son appartement impeccable et son frigo bien rempli!