quatre catégories menées parallèlement : extraits des oeuvres de Gilbert Millet, traductions d'auteurs hongrois, réflexions et mémoires, dessins
Zoltán Czegö et la mal du pays (extrait de la...
Zoltán Czegö et la mal du pays (extrait de la nouvelle, traduction: R. T.)
Ca te tombe dessus comme la maladie.
Selon les anciens : comme si l'on t'avait jeté un sort.
Tu vis, tu te déplaces, tu accomplis ce pourquoi on te donne ton pain et ta soupe. Les clochers des églises deviennent invisibles car tu les vois tous les jours.
De même pour les corbeaux, oui, tu ne cherches ni ne trouves plus rien dans le regard des corbeaux qui picorent dans les feuilles mortes fraîchement tombées, tout en scrutant les alentours, car ils savent bien qu'il faut toujours craindre quelque chose, qu'il faut se méfier de l'homme plutôt que des chiens.
Puis, d'un moment à l'autre - comme si l'on t'avait jeté un sort... Le mal du pays se faufile dans ton coeur, bouleversant l'ordre forcé, tout est sens dessus-dessous et la tour de l'église banale te rappelle cet autre clocher, lointain.
Tu suffoques, tu déglutis péniblement, dans l'espoir que ce glissement des sentiments cesse, comme l'avalanche la plus féroce peut se suspendre soudain.
Tu regardes autour de toi pour vérifier si tout est bien en place et tu songes que cela arrive un peu tôt aujourd'hui; et d'ailleurs, pour quelle raison? Mais tu sais très bien que cela survient toujours sans crier gare, sans prémisses identifiables, il fait irruption pour ravager tout sur son passage. Surtout, il éteint tes forces.
Tu ouvres la porte du balcon, et, au lieu du brouillard humide chargé d'odeur d'essence de la grande ville - comme c'était le cas hier - jaillit l'arôme de l'herbe séchée et des feuilles mortes d'une autre ville, d'un village lointain. Car l'odorat ment, tous les sens mentent, tous perturbés par le mal du pays, cette maladie qui te tombe dessus comme le mauvais sort.
Du haut de ton étage, tu contemples le square devant l'immeuble et c'est la châtaigneraie de là-bas qui escalade ton regard. Tu détournes les yeux, tu mets de l'eau à bouillir pour le thé, tu la verses sur le sachet frais et parfumé et ce sont les fragrances de la menthe sauvage du bord de la Petite-Küküllö qui jaillissent avec la force des digues rompues, elles se figent en toi et ton âme demeure pétrifiée. Car elle sait bien qu'il n'y a ni échappatoire ni duperie ni délivrance, puisque toute tentative timide contre ce sentiment furtif vaut autant que le son de cloche contre l'averse de grêle cinglant les champs. [...]
Traduction : R.T.
Souvenir d'Istanbul: Eva Siegle
Le blog de Rozsa T. (alias Flora): Bribes de mémoire * 2. Saisons...
Surprise du matin
Ce matin, vers 9 heures, on a sonné à la porte. Coup d'oeil sur la rue: une camionnette blanche stationne sur le terre-plein et le livreur me fait signe: un colis pour moi.
Qu'y a-t-il dans le carton de presque un mètre de haut? "Une fleur pour vous", dit-il, "signature, s'il vous plaît."
A cet instant, l'idée m'effleure (sans jeu de mot) que demain, c'est la Fête des Mères.
Le fait d'être mère continue à relever pour moi d'un miracle inouï, de l'événement sans doute le plus important de ma vie. Car le sens principal de celle-ci n'est-il pas de se prolonger, de se perpétuer après notre disparition pour qu'elle ne soit pas vraiment une mort? Donner la vie est probablement l'acte de création suprême à mes yeux. Pourtant, j'ai parfois la prétention de me frotter à certaines de ses formes, à l'écriture, au dessin.
Et encore, vous ignorez que je sais tricoter et broder aussi, dis-je à la foule de mes admirateurs ébahis!...
Souvenir d'Istanbul: Véronique...
Apai nagyanyámról...
Apai nagyanyámról...
Különös módon, amilyen sokat tudnék mesélni nagyapáimról, néhai nagyanyáim olyan titokzatosak maradtak számomra. Honnan ered alakjuk rejtélyes némasága, nem tudom. Talán onnan, hogy szinte csak a nagyapáim meséi adták tovább az utódok láncszemeinek az elmúlt időket, valóságossá téve a hozzájuk kötő gyökereket, melyekből kisarjadtunk.
Apai nagyanyám, néhai "Furcsa" Kispál Eszter (Mindszenten szinte mindenkinek volt ragadványneve, mely legtöbbször kiszorította az igazit is) születésem óta haláláig velünk élt pedig. Szinte soha nem mesélt magáról, a gyerekkoráról, a fiatalságáról, mintha belenevelték volna a hallgatást, hisz amúgy se mondhatna semmi érdeklődésre méltót. "Asszonynak hallgass a neve": nemhiába járta akkoriban ez a mondás. Világot sem látott, mint nagyapám, aki a "kupeckodással" a hortobágyi vásárig bejárta az Alföldet, sőt, a háború még a Kaukázusig is elvitte hadifogságba...
Nagyanyám fiatal korában szolgáló volt módosabb háznál. Még ez is szerencsének számított a nyolcgyerekes családban. Nézem a családfa felkutatott adatait (a gyökereimet keresem?): Kispál Mózes szerény földműves (1 hektárt mondhatott magáénak) és Gacsári Kis Franciska elsőszülöttjeként jött Eszter a világra 1891-ben, a Mérleg jegyében... Nocsak, mint én? Lehet, hogy hasonlított a természetünk, csak én nem tudtam?...
Faggatom a két megmaradt, halványuló épp száz éves fényképet. Egy általam 1965-ben készült rajzon megjelenik nagyanyám, úgy, ahogy örökre megmaradt előttem: öregen. Szinte soha nem láttam fejkendő nélkül. Nyáron vékonyabb, télen vastagabb járta, egész gyűjteménye volt a sublótfiókban. Még éjszakára is volt egy-kettő: bekötött fejjel aludt. Amikor nagyritkán megleptem fésülködés közben, megpillanthattam két hosszú, majdnem teljesen fekete hajfonatát, melyet hullámos hajtűkkel tűzött kontyba, s esténként szabadjára engedett.
Sajnálom, hogy nem kérdezgettem tőle többet, amikor még volt rá idő és alkalom. Egy-egy mozdulata elém rebben, ahogy a kendőjét megköti, vagy a kötényét lesímítja, máskor meg a csigatésztát tekeri az ujja alatt.
Kezét-lábát örököltem, méretét, formáját. Az egyetlen dolgot, mely anya elismerését kivívta: "szerencsére nagyanyádtól örökölted, nem tőlem!" szokta mondogatni. Ha viszont megharagudott rám, Furcsa Esztinek titulált...
Yvette Moret, une vie de sage-femme au siècle dernier (extraits) 6.
Les plus spectaculaires de mes clients étaient les gitans. Ils vivaient dans des roulottes, souvent, ils étaient de passage. Les hommes étaient des durs, avec tout le monde et surtout avec leur femme: il ne fallait pas qu'elle crie! Une nuit, je reçois un coup de téléphone d'un homme dont la femme était sur le point d'accoucher. Comme ils n'avaient consulté personne, je lui conseille de s'adresser au médecin du coin, car je ne voulais pas prendre de risque. Il dit que le médecin ne veut pas se déplacer et que si je refuse et qu'il arrive quelque chose à sa femme, ce sera de ma faute. Je finis par lui demander où il habite.
- Dans une roulotte, dans le bois.
Mon mari s'inquiète:
- Tu ne vas quand-même pas y aller à deux heures du matin, toute seule, dans le bois!
J'y vais, je trouve la roulotte. Dans le fond, sur la paillasse du bas, il y a les gamins. Au-dessus, une planche pour la paillasse des parents. Pour y accéder, accoucher la femme allongée sur la planche, il fallait grimper sur une caisse. Les enfants sont tous en-dessous. C'était son vingt et unième... Tu es sur ta caisse et tu sens toutes les petites mains qui te chatouillent les chevilles! On avait un mal fou pour avoir de l'eau. J'attends qu'elle ne saigne plus, je lui fais une piqûre et, avant de m'en aller, je dis à l'homme:
- Ce n'est pas tout, mais cet enfant, il faut le déclarer demain matin. Et moi, je reviendrai.
- Comment ça, vous reviendrez?
- J'ai l'habitude de revenir le lendemain et j'entends que vous soyez là.
Je suis revenue, effectivement, l'enfant avait été déclaré, mais ils ne m'ont pas payée. Un an après, on m'appelle en disant que quelqu'un m'attend. C'était lui. Il me dit:
- Vous avez accouché ma femme l'année dernière, je voudrais vous payer.
Ce qui m'a surtout fait plaisir c'est qu'il a ajouté:
- Je tenais à vous payer car personne ne s'est occupé de ma femme comme vous.
Moi, j'estimais qu'on devait les mêmes soins à tous. J'ai pris les nouvelles de l'enfant. Il allait bien, il commençait à marcher. La mère, entre temps, en avait eu un autre, un vingt-deuxième...
(la suite)
Réflexions autour d'une petite boîte métallique
Réflexions autour d'une petite boîte métallique
32° dans le sud de la Hongrie en ce printemps qui joue à l'été précoce, alors que, à Pâques, un mois auparavant, il grelottait sous la neige. Mon cinquième voyage en un an.
Nous sommes nombreux à entourer un coffret en forme de cercueil réduit. Difficile d'imaginer ma mère à l'intérieur... Dans un cercueil « normal », on visualise le défunt allongé dans le linceul blanc, prêt à rejoindre sa dernière demeure. Pour l'éternité.
Une vie de 84 ans réduite à une poignée de cendres. Une personne à l'ampleur si imposante, qui occupait une si grande place dans la vie des siens... D'un moment à l'autre, réduite à une poignée de poussière. Quelle leçon pour nous, les survivants ! Dépassant de loin les paroles lénifiantes de l'homme d'église dont la tâche consiste à guider ceux qui restent, vers la consolation.
Nous rendons hommage à la petite boîte métallique scellée dans le cercueil saugrenu qui porte le nom et l'âge de ma mère. Je coupe définitivement le cordon ombilical qui me reliait à elle. Un lien parfois oppressant, souvent culpabilisant par l'amour démesuré qu'elle portait aux siens. Un amour qui enchaînait, qui ligotait mais qui donnait l'impression de servir de solide rempart contre la mort... Plus de bouclier désormais, plus de chaînes non plus.
Nous autres en sursis, nous l'accompagnons jusqu'à la tombe où une place l'attend auprès de mon père. Notre propre existence si éphémère, et pourtant d'une importance démesurée, nous scrute du fond du trou, tandis que les employés des pompes funèbres replacent la dalle, la recouvrant des fleurs. Nous rendons hommage en pleurant à une poignée de poussière. Et surtout, à sa mémoire qui nous habite déjà, embellie, apaisée.
(publié sur "Mardis hongrois de Paris")
Je vous remercie tous pour vos pensées...
Je vous remercie tous pour vos pensées chaleureuses de compassion exprimées pour le décès de ma mère. Cela m'a grandement aidée à franchir le cap difficile d'être désormais sans bouclier devant la mort.
Mindenkinek nagyon köszönöm együttérző szavait Anya halálakor. Nagy segítséget jelentettek számomra. Most már talán könnyebb lesz hozzászoknom ahhoz a puszta tényhez, hogy immár egyedül nézek szembe életünk véges voltával... Ezt is meg kell szokni.