Rodin
"Il n'y a réellement ni beau style, ni beau dessin, ni belle couleur: il n'y a qu'une seule beauté, celle de la vérité qui se révèle." (Rodin)
Je viens de voir le film de Jacques Doillon "Rodin" qui représente le sculpteur au sommet de son art, à 40 ans passés. Je ne veux pas comparer le film avec celui de Bruno Nuytten, admirable, intense, convulsif, dont le personnage central était Camille Claudel, dans le reflet de leur passion révélatrice et destructrice à la fois. Du moins pour elle...
Ici, Rodin habite l'écran et Vincent Lindon habite le personnage. Nous le voyons au travail et en réflexions, les deux en même temps, et presque jamais au repos. Il dit lui-même que l'essentiel du talent réside dans le travail permanent. Sans cesse à la recherche de la vérité de la figure, une vérité au-delà de l'apparence et qu'il faut libérer de la glaise.
Il malaxait la matière, il malaxait ses modèles aussi, pour en obtenir cette vérité-là, ces émotions qui faisaient vivre les muscles et les chairs, et, par leur intermédiaire, les transmettre au spectateur. En modelant, en dessinant, son regard pénétrant ne devait jamais quitter le modèle, ses mains étaient le prolongement de ce regard.
Je me souviens de ma première rencontre avec sa sculpture "en vrai", un face-à-face soudain avec ses "Bourgeois de Calais", sur la place de l'hôtel de ville de Calais, balayée par tous les vents... Un choc émotionnel immense: je me sentais minuscule devant ce groupe d'hommes si vivants! Le socle n'est pas très haut et du coup, il y a une proximité saisissante pour nous transmettre leur vérité si humaine devant le sacrifice. J'avais du mal à les quitter...
Pour moi, son Balzac est peut-être le sommet de son art. Il fait exploser la sculpture académique et ses règles lisses, dépourvues de l'émotion convulsive de la vérité.