Le pouvoir des mères
“Avec l'amour maternel, la vie vous fait, à l'aube, une promesse qu'elle ne tient jamais. Chaque fois qu'une femme vous prend dans ses bras et vous serre sur son coeur, ce ne sont plus que des condoléances. On revient toujours gueuler sur la tombe de sa mère comme un chien abandonné. Jamais plus, jamais plus, jamais plus. Des bras adorables se referment autour de votre cou et des lèvres très douces vous parlent d'amour, mais vous êtes au courant. Vous êtes passé à la source très tôt et vous avez tout bu. (...)"
Ah, les mères!... Quel pouvoir exorbitant détiennent-elles... Elles peuvent vous donner des ailes tout comme les couper; vous anéantir, vous adorer tout en vous enchaînant. Pendant longtemps, leur regard est le seul miroir dans lequel se reflète le monde.
Romain Gary a dressé un monument de mots à la sienne, tout comme Albert Cohen et beaucoup d'autres. La "mère juive" est devenue l'archétype de possessivité, d'intrusion, d'exclusivité, de dévouement sans bornes dans la vie de ses enfants (surtout les fils). Souvent, elle réalise ses propres ambitions impossibles à travers eux.
"Vipère au poing" d'Hervé Bazin est le portrait terrible de la mère cruelle incapable d'émotion que le fils doit tuer, du moins symboliquement, pour survivre: "Je te cause, Folcoche, m'entends-tu ? Oui, tu m'entends. Alors je vais te dire : T'es moche ! Tu as les cheveux secs, le menton mal foutu, tes oreilles sont trop grandes. T'es moche, ma mère. Et si tu savais comme je ne t'aime pas. Je pourrais te dire que je te hais, mais ça serait moins fort."
Le lien d'amour démesuré n'a d'égal que celui de la haine destructrice... Entre les deux, une infinité de variantes. Je ne cesse d'interroger ma propre histoire afin de comprendre mon héritage, puis le chemin parcouru (et que je parcours encore) avec ce pouvoir immense dans les mains, cette responsabilité non moins grande sur les épaules...