Retrouvailles
Hier soir, notre association fermait la saison annuelle, avant les départs en vacances pour ceux qui le feront, avec un repas. Nous avons rempli la grande salle d'une auberge à la campagne.
J'y allais en traînant les pieds (dans le sens propre et figuré). Depuis les mois de l'enfermement dû à la Covid, auquel j'ai eu tant de mal à me plier, je suis devenue casanière, véritable et tenace. Dominée par une inertie triomphante, j'ai du mal à me motiver pour mettre le nez dehors. "Tiens, ne serait-ce pas une façon de préparer ma demeure éternelle et reposante?... Bah, de toute façon, il faudra s'y résigner un jour, tant qu'à faire, préparons le terrain..." Voici un des méfaits des deux dernières années sur moi qui adorais les sorties et l'improvisation. Je deviens une petite vieille qui redoute toute bousculade de ses petites habitudes, de ses frontières minuscules. Une vie en veilleuse, en somme.
Finalement, je suis contente de m'être laissée convaincre d'y aller. J'ai retrouvé des ami(e)s que je n'avais pas vu(e)s depuis longtemps. Nous nous sommes pris dans les bras, geste oublié et même interdit pendant les longs mois de l'épidémie. Maintenant encore, impossible de ne pas marquer une petite hésitation avant l'étreinte serrée (qui devient de plus en plus rares, de toute façon, avec l'âge et qui condamne les vieux solitaires à s'étioler comme les plantes oubliées sans arrosage...) Aux temps désormais lointains, nous nous embrassions (cette habitude d'embrassades abondantes à la française que j'ai trouvée à l'époque exagérée), nous nous serrions la main, geste pour beaucoup remplacé par le poing fermé tendu vers vous comme une menace... Ou par le coude, à la façon d'une intention de vous tourner le dos, de vous éloigner... L'un comme l'autre pour moi impossibles à accomplir.