Le blog de Flora

Retrouvailles

26 Juin 2022, 12:15pm

Publié par Flora bis

   Hier soir, notre association fermait la saison annuelle, avant les départs en vacances pour ceux qui le feront, avec un repas. Nous avons rempli la grande salle d'une auberge à la campagne. 

   J'y allais en traînant les pieds (dans le sens propre et figuré). Depuis les mois de l'enfermement dû à la Covid, auquel j'ai eu tant de mal à me plier, je suis devenue casanière, véritable et tenace. Dominée par une inertie triomphante, j'ai du mal à me motiver pour mettre le nez dehors. "Tiens, ne serait-ce pas une façon de préparer ma demeure éternelle et reposante?... Bah, de toute façon, il faudra s'y résigner un jour, tant qu'à faire, préparons le terrain..." Voici un des méfaits des deux dernières années sur moi qui adorais les sorties et l'improvisation. Je deviens une petite vieille qui redoute toute bousculade de ses petites habitudes, de ses frontières minuscules. Une vie en veilleuse, en somme.

   Finalement, je suis contente de m'être laissée convaincre d'y aller. J'ai retrouvé des ami(e)s que je n'avais pas vu(e)s depuis longtemps. Nous nous sommes pris dans les bras, geste oublié et même interdit pendant les longs mois de l'épidémie. Maintenant encore, impossible de ne pas marquer une petite hésitation avant l'étreinte serrée (qui devient de plus en plus rares, de toute façon, avec l'âge et qui condamne les vieux solitaires à s'étioler comme les plantes oubliées sans arrosage...) Aux temps désormais lointains, nous nous embrassions (cette habitude d'embrassades abondantes à la française que j'ai trouvée à l'époque exagérée), nous nous serrions la main, geste pour beaucoup remplacé par le poing fermé tendu vers vous comme une menace... Ou par le coude, à la façon d'une intention de vous tourner le dos, de vous éloigner... L'un comme l'autre pour moi impossibles à accomplir.

"Oiseau" de Andrea Vertel, céramiste hongroise

"Oiseau" de Andrea Vertel, céramiste hongroise

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Histoire de blogs

21 Juin 2022, 17:23pm

Publié par Flora bis

   Ce blog aura bientôt 14 ans. Le genre me convient, même si bientôt, je serai la dernière à m'y attacher. Il m'a beaucoup donné.

   L'idée d'en ouvrir un autre, totalement secret et anonyme, m'effleure de temps en temps.

   Oui, je sais, c'est le poids de l'image initiale, celui de l'obligation d'y correspondre, qui me pèse parfois. Me conformer à l'attente que j'ai suscitée moi-même en instaurant ses contours que je m'interdis de dépasser. Depuis bientôt 14 ans que je la lisse sur mon blog, d'abord avec une certaine fébrilité, puis avec plus de routine. Je ne peux même pas dire qu'elle soit fausse... Simplement, elle me serre un peu aux entournures... C'est aussi moi. Mais pas que...

   Alors, je crois, un jour je le ferai. Je n'ai plus beaucoup de temps à gaspiller pour quelques audaces même minuscules. Seulement, il faudra bien choisir mon pseudo, ma carapace, mon armure étanche. Car, je crois, je ne serai jamais un héros véritable. Mais au moins, je me défoulerai en secouant le carcan de l'autocensure. Quitte à perdre quelques plumes au passage.

Histoire de blogs

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Un orage bienfaisant

18 Juin 2022, 16:51pm

Publié par Flora bis

   Pour commencer par une constatation fort peu originale : il fait CHAUD!  Je suis barricadée à l'intérieur de ma vieille maison de 100 ans, derrière ses murs épais. J'ai du mal à m'imaginer dans un appartement HLM en préfabriqués (je sais de quoi je parle : j'étais alors jeune et résistante et la canicule semblait plus clémente!) A présent, je rentre peu à peu dans la catégorie des vieilles dames qu'il faut surveiller et arroser par temps de grosses chaleurs comme des plantes rares et fragiles.

   Je continue l'article commencé hier soir, par la matinée rafraîchie du lendemain, avec une petite laine sur les épaules! Soulagée sous le ciel gris, humant l'odeur de la pluie nocturne qui monte du jardin. Il était temps! Les oiseaux se remettent à chanter, eux aussi. Le soleil commence à briller, timide, radouci pour le moment, tel comme nous l'aimons. C'est la Fête des Pères. Ni mon fils, ni moi n'en avons plus. Le mien aurait 100 ans, celui de mon fils 72... En ce qui concerne le second, je suis sûre qu'il détesterait cette phrase, lui rappelant le temps qui file, impitoyable! Il est mort à 56 ans et à la quarantaine déjà, il supportait mal l'idée de vieillir, de subir le "naufrage" en marche de l'individu. Bien loin du sentiment de "la maturité triomphante" dont je me délectais, au même moment... 

(photo: Chypre, 1990)

 

   

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La cuisine et moi

10 Juin 2022, 10:10am

Publié par Flora bis

   J'ai été initiée à l'art culinaire tardivement, surtout après mon mariage avec Gilbert. Avant, je ne savais pratiquement pas cuisiner. Je n'en avais pas besoin. Chez mes parents, réduite aux travaux d'assistance, à éplucher, à "touiller" des mixtures préparées par les "femmes savantes" de la maison, je me contentais de ces gestes mécaniques, sans découvrir les secrets de la création. Lorsque j'ai quitté la maison, étudiante aux conditions spartiates de la cantine, il n'y avait pas de cuisine à l'horizon. A Moscou et à Leningrad, dans notre cuisinette commune avec une seule plaque électrique pour tout un étage, de temps en temps, je me hasardais à préparer une grande marmite de soupe de poissons (de mer!) selon la recette de mon père, maître incontestable de ce noble plat (mais avec des poissons d'eau douce, cela va de soi, la mer étant très loin de la Hongrie!), recette qu'il m'avait dictée avant mon départ et que j'ai emporté en URSS, avec l'ingrédient indispensable dans ma valise: du paprika en poudre.

   La première année de notre vie commune avec G., nous voulions épater l'autre avec les bons petits plats de nos pays respectifs, en nous plongeant dans des livres de cuisine (G. était armé de celui que sa grand-mère adorée avait glissé dans sa valise). Ainsi, nous apprenions à cuisiner en même temps, science que de son côté, il a vite oublié et que moi, j'ai dû garder pour toujours...

   Avec une famille "bec sucré", il n'est pas étonnant que je sois plus forte en pâtisserie qu'ailleurs. Pendant les vacances, j'ai beaucoup appris avec ma belle-mère, remarquable cuisinière (on apprend plus avec une belle-mère qu'il faut séduire à son tour!). Les tartes, les babas-au-rhum, les madeleines, les charlottes et autres omelettes norvégiennes n'avaient plus de secrets pour moi! Sans compter la pâtisserie hongroise, beaucoup plus chronophage et pour cette raison, j'en faisais moins souvent.

   Maintenant que je vis seule, ma cuisine est devenue beaucoup plus simple mais jamais expéditive. Cependant, la pâtisserie est réservée pour les grandes occasions. Comme celle d'hier soir où j'ai eu le plaisir de réunir des amis chers autour de moi. (Sur la photo, le gâteau d'hier soir.)

 

 

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De l'âge

5 Juin 2022, 12:17pm

Publié par Flora bis

   L'administratrice de notre blog commun (en hongrois, animé depuis 2010 par une bonne dizaine de graphomanes) nous a proposé le thème du mois: époques, âges (le même mot en hongrois), avec l'interprétation libre du sujet. 

   Je cède à la tentation de faire le tour du sujet en français aussi. Après tout, j'ai vécu deux-tiers de ma vie "en français"... Pour canaliser les idées, pour y instiller un peu d'organisation, je choisis l'approche qui semble la plus simple : ma vie. Je la découpe en périodes, "époques" pour revenir au mot du sujet, car dans ma tête, ma vie est bel et bien divisée en périodes successives qui se juxtaposent, s'enrichissent, signifiant que j'avance dans l'âge, en un mot : que je mûris. Bien sûr, ces périodes n'ont pas de frontières bien définies, cependant on sent bien distinctement vivre quelque chose de différent.

   L'enfance... Inconscience, légèreté, du moins dans mes souvenirs, nourries par la confiance illimitée en mes parents qui font en sorte que, en dépit des difficultés bien réelles des années 1950, mes souvenirs restent toujours, toujours ensoleillés, sur fond de ciel bleu immaculé. (Je garderai l'allégorie météorologique pour la suite aussi.)

   L'adolescence... C'est le réveil de la conscience. J'ai un appétit sans borne pour la lecture, première porte ouverte sur le monde. Le cordon ombilical de la confiance infinie en les parents se rompt : on a besoin de voir, de juger par soi-même. De résister, de contredire. Besoin de solitude  aussi, pour réfléchir, pour formuler en écrivant, en dessinant, ce que je traverse au fond de moi. Le soleil alterne avec les nuages, quelques orages somme toute modérés traversent mon ciel bleu.

   La jeunesse... Entre 18 et 35 ans (oui, je suis assez généreuse avec moi-même!) Commençant aux années 1960-70... Mes années d'étudiante, elles sont très importantes, surtout l'année et demie passée en stage linguistique en Russie. La vie d'adulte nous attend. Avec mes amies, nous en discutons énormément, nous avons beaucoup de rêves et très peu d'expériences... C'est mon premier séjour à l'étranger, je dois me débrouiller seule en toute circonstance, loin de la famille. Puis le travail nous accueille. Ensuite, le grand saut dans l'inconnu : mon mariage avec G. et le début des longues années à travers des pays et parfois des continents. Parallèlement, c'est aussi l'apprentissage de la vie à deux, avec ses rapports de force et ses compromis nécessaires, les illusions naïves quelque peu malmenées pour les deux... L'allégorie météorologique raconte des vents printaniers, des étés torrides et quelques passages de fronts...

   L'âge adulte... Entre 35 et 65 ans. Ce n'est pas un voyage sans secousse et nous apprenons les difficultés de la vie, les maladies et les deuils. Des soleils des naissances aussi. Le destin nous soumet à des épreuves très lourdes. En y repensant, je ne sais pas comment j'ai fait pour les traverser, pour faire face... Rester debout malgré tout, cela révèle des forces insoupçonnées en nous. Et laisse des traces indélébiles, aussi bien des jours ensoleillés que des tempêtes dévastatrices.

   La vieillesse maintenant... Je chemine vers elle ou j'y suis déjà? Parfois, je surprends sur une photo plus récente, un visage fatigué dont l'ovale s'est effacé, la peau défraîchit lentement, encadré des cheveux de plus en plus grisonnants... Serait-ce moi? Il me reste à faire la paix avec l'inéluctable et à marchander avec le destin quelques concessions pour que le chemin devant moi soit le plus riche et le moins humiliant possible.

De l'âge

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