La toile de notre vie
Il ne reste plus qu'un jour de ce mois de juin si chaud, dans le sens propre et figuré. Je me prépare à un été plutôt solitaire que je redoute, tout en ayant envie de m'immerger dans un sentiment de quiétude (que j'imagine mais qui ne se réalise jamais).
Dans une semaine, ce blog atteindra son quinzième anniversaire... De nos jours, cela semble presque canonique pour un genre qui se fait dépasser allègrement par de nouvelles modes de communication, tendant vers encore plus de narcissisme, plus d'images et moins de mots... Moi, j'en ai besoin, sans doute bien plus que mes rares mais d'autant plus précieux lecteurs. Il m'offre la discipline de m'exprimer dans ma langue d'adoption, un exercice régulier de faire le point, de plonger dans la mémoire, d'échafauder une réflexion qui permet de laisser une trace éphémère, encore plus fragile qu'un journal de bord en papier. Une trace pour qui? Avant tout, pour moi-même. J'ai bien retenu le choc et le regret d'une prise de conscience soudaine au début de ma solitude: quel avait été le tissu de mon quotidien AVANT, ces événements "sans importance" qui constituaient pourtant l'essentiel de mon histoire? J'avais bien des souvenirs aigus des moments saillants, heureux ou tragiques, mais une somme de décennies entières était tombée dans les oubliettes!... Je me souviens des époques mouvementées, des voyages, des souffrances et des joies, chaque étape ayant une couleur différente. Ce sont pourtant des aplats presque invisibles qui constituent la couleur de fond de notre vie, celle qui s'efface avec humilité devant les pigments éclatants des figures et des volumes des émotions dominant la toile...