Bribes de mémoire 44. Débarquer à Leningrad (janvier 1971)
Un an est passé depuis ma photo d'étudiante moscovite... Mes cheveux ont poussé. Je suis à
Leningrad pour six mois, à l'Institut Pédagogique Herzen, derrière Nevski Prospekt. En effet, le système a été modifié depuis l'année d'avant : on n'envoie plus en stage linguistique d'un an les
étudiants en russe de la quatrième année, mais ceux de la cinquième et pour six mois seulement. Ainsi, à cheval sur les deux régimes (non obligatoires), je profite des deux. Ma nostalgie pour la
Russie et pour la vie d'étudiant pleine d'aventures insolites et de dépaysement est trop grande pour refuser une telle opportunité.
Nous débarquons, après une escale à Moscou qui nous fend le coeur, dans l'hiver inhospitalier sur la Neva. Mon journal témoigne des premières semaines difficiles où je n'ai
qu'une envie, c'est de retourner dans la chaleur moscovite ! Je ne peux même pas imaginer d'aimer un jour cette ville froide, à l'atmosphère humide et au vent pénétrant. La
température est loin des - 30° de Moscou, mais le vent gorgé d'humidité rend l'air beaucoup plus glacial. Ville hautaine dans la prétention de ses marbres, de ses palais surgis des marécages de
l'estuaire de la Neva, par la volonté de son tzar, personnage hors du commun et fascinant, Pierre le Grand. La ville a alors deux siècles et demi, aristocratique, majestueuse, érigée par les
plus grands architectes français et italiens de l'époque, incarnant la volonté farouche et sans concession de Pierre Premier de se tourner vers l'Occident. Il nous manque la chaleur provinciale
de l'immense village qu'est Moscou. Nous nous promenons dans un gigantesque musée, un peu délabré certes, mais un musée quand-même ! J'ai six mois devant moi pour l'apprivoiser, pour m'y attacher
et pour rencontrer le grand amour en la personne d'un beau et ténébreux Bulgare...
la suite suivra...