Le blog de Flora

Vache inspirante

17 Juin 2018, 12:00pm

Publié par Flora bis

"On ne gagne pas beaucoup à trop réfléchir sur sa destinée. La vraie philosophie consiste peut-être à traverser la vie avec la sérénité tranquille de l'animal broutant l'herbe du sentier qui le mène à l'abattoir."
(Gustave Bon, 1841-1931)

Dès la première lecture, cette citation a suscité en moi des images familières, celles de mes vacances d'été dépaysantes, années après années, chez mes grands-parents maternels. Je gardais la vache de ma tante pendant quelques semaines, signe de confiance et de responsabilité.

    "...la sérénité tranquille de l'animal broutant l'herbe..." Cette image est restée gravée dans ma mémoire. Certains jours, au lieu d'investir avec les autres adolescents la pâture municipale, je promenais la placide ruminante le long des sentiers, la tenant par une corde nouée autour de ses cornes, marchant à son rythme à quelques pas devant elle. Aussi étrange que cela puisse paraître, cette occupation me plaisait beaucoup (j'aurais du mal à imaginer un ado de notre époque avec un smartphone greffé à sa main  -  et à ses yeux  -  promener une vache pendant des heures et heureux d'être plongé dans des pensées sereines...). J'alternais les jours avec les copains sur la pâture, discussions et parties de cartes, tandis que les vaches broutaient en groupe, et mes solitaires tête-à-tête avec la paisible blonde de ma tante. 

   L'adolescence... Je suis sûre que cette expérience qui se répétait d'année en année, a eu une influence importante sur l'adulte que je suis devenue. Le besoin de me retrouver dans une solitude apparente (la vache m'accompagnait et m'inspirait) pour mettre en ordre les morceaux du puzzle du monde autour de moi, des découvertes incessantes de cet univers réservé pendant longtemps aux adultes omniscients et omnipotents, des jeux de séductions et des pulsions à la fois attirantes et effrayantes, passant par des regards dérobés et recherchés, tout en étant entourée et sécurisée de l'affection débordante et infaillible de mes grands-parents, oncles et tantes... De longues heures de lectures solitaires dans la douceur de l'été, cachée dans le jardin de ma tante parmi les pieds de vigne, les dahlias et les grasses feuilles de betteraves...

   C'était l'initiation à une certaine philosophie... Traverser la vie avec la plus grande sérénité possible. (Il s'est avéré par la suite que ce ne serait pas toujours aussi évident.) Y tendre, du moins, au lieu de se torturer vainement. Le sentier mène, de toute façon, à l'abattoir.

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