Migrations
J'ai beaucoup déménagé dans ma vie; parfois, d'un pays à l'autre, traversant non seulement le rideau de fer, mais aussi la Méditerranée. Jeune, j'ai vécu ces changements comme le commencement d'une nouvelle étape, la possibilité d'ouvrir une page blanche, de corriger les ratages.
Cela fait 22 ans que j'habite cette maison, dont sept désormais seule. On dit que les murs des maisons absorbent les ondes puissantes des joies et des drames qu'ils enferment. Un jour, un visiteur, habitué à la compagnie des fantômes, s'est arrêté net sur le seuil, prétendant que mon couloir était si "habité" qu'il était incapable d'y entrer… Bon, en ces cas, je retiens mon sourire pour ne pas froisser la conviction intime de certains. Après tout, chacun a le droit de croire ce qu'il veut, ce qu'il peut ou ne rien croire du tout...
Pour ma part, je pense que c'est plutôt notre mémoire qui est peuplée de fantômes et nous ne faisons que projeter le souvenir des bonheurs et des drames liés à un objet ou à un recoin de la maison qui ressusciteront, intact ou apaisé, l'émotion vécue...
S'en aller, c'est quitter ces supports matériels de la mémoire et rendre nos souvenirs de plus en plus évanescents.
La question d'un nouveau déménagement fait son apparition, me poussant vers une "station" inédite qui sera sans doute la dernière… Nouvelle étape qui me modifiera aussi, à coup sûr.
Sans mon jardin et mes rosiers...