Tri sélectif... du passé
Je regarde au fond de la benne où je viens de jeter une bonne trentaine de toiles et de dessins sous-verre. Ils gisent pêle-mêle, écrasés les uns sur les autres, les verres brisés, les toiles éventrées. Un monsieur de passage en sauve deux in extremis. Plus de vingt années de ma vie dans ce tombeau improvisé! Ils tentent une dernière supplique pour m'amadouer. Je résiste. Je leur tourne le dos et je remonte dans ma voiture. Sans un regard en arrière.
Objectivement, tout cela n'avait qu'une vague valeur émotionnelle. Et encore, des émotions positives mais aussi beaucoup de très noires. Il faut essayer de faire de la place autour de soi pour se donner un peu d'air. Couper certains liens forts et nocifs. Ces derniers temps, je pense souvent au désencombrement, de mon vivant, afin de libérer les enfants de cette tâche pénible. Peut-être, une façon de me libérer moi-même...
Cela fait trop longtemps que je me laisse enchaîner par les souvenirs. La vague de nostalgie omniprésente contre laquelle je me battais mollement, tout en me laissant engloutir par sa vase tiède, constituait un refuge douillet contre les intempéries du présent. Il suffisait de poser un regard sur ces objets pour que l'époque de ma rencontre avec eux ressurgisse de façon immédiate et authentique, me replongeant dans les bons et mauvais souvenirs. Les revivre ainsi représentait la preuve que ces années ont vraiment existé. Sinon, j'aurais eu l'impression de les avoir rêvées...