Tsunami
La tentation est grande de garder le silence. Les informations fondent sur nous comme un tsunami, nous étouffent, nous ensevelissent.
Au début, au moment de la sidération, nous en étions avides, une façon de nous projeter dans l'avenir, de nous créer de fragiles stratégies de défense. Nous sommes invités avec insistance de rester à la maison, en télétravail si possible, avec aide au télé-enseignement, sans compter les repas à assurer pour toute la famille (plus de cantines, plus de restos ou sandwich sur le pouce entre copains...). Les solitaires? En face à face avec leur chat et leur ordinateur. Solitude accrue pour les vieux, même si certains d'entre eux en ont déjà l'habitude depuis longtemps. Les infos sont anxiogènes, parfois culpabilisantes: de quoi vous plaignez-vous, il y en a qui n'ont pas le luxe de se planquer au chaud chez eux, et qui doivent s'exposer pour assurer un semblant de vie, même réduite à la portion congrue, pour tous! Pas faux. Alors, on les remercie, on les applaudit pour exprimer sa reconnaissance, pour se déculpabiliser un peu.
Effervescence sur les réseaux sociaux. On a envie de communiquer avec famille, amis, le reste du monde sur la façon de vivre le confinement... Les idées fusent: comment peupler la vacuité d'une existence, comment organiser la surcharge de travail, comment distraire les enfants pour empêcher la surchauffe de la cocotte-minute. Certains pressentent l'épreuve du couple qui, en temps normal, a peu d'occasion de se poser les questions qui fâchent.
Au bout d'une semaine, c'est le trop plein contreproductif. J'ai envie d'infos mais sans la querelle des experts qui se contredisent, sans quelques maîtres à penser qui, pour attirer l'attention sur leur existence minuscule, escamotée provisoirement par le danger invisible, commencent à semer la discorde. J'ai envie de plages de silence pour réfléchir sur ce qui nous arrive.
Μηδὲν ἄγαν, Mêdèn agan, "rien de trop" disait l'inscription sur le fronton du temple d'Apollon à Delphe. A méditer. Et si nous y ajoutions Horace qui prônait "la mesure en toutes choses"?