Retour du Salon...
Je viens de passer la semaine du 12 au 18 mars, enfermée toute la journée dans le hall N°1 du
parc des expositions de la Porte de Versailles, au Salon du Livre de Paris. C'était ma neuvième participation consécutive... Curieuse sensation, comme si c'était la dernière...
Inévitablement, je nous revois en 2000, enthousiastes, culottés, avec le premier et unique numéro de Hauteurs sur la table, persuadés d'être aux commencements d'une belle aventure
collective.
Nous aimions nous plonger dans cette atmosphère bruissante de milliers de livres, de célébrités descendues de leurs écrans de télé et de pages invisibles, de miraculeuses rencontres
authentiques qui perdurent. Gilbert est inséparablement associé à ces souvenirs : sa dernière participation en 2006, le temps d'un week end de dédicace sur le stand de son éditeur qui l'a trouvé
juste un peu fatigué, pour mourir 3 mois plus tard...
Pourquoi ai-je l'impression d'être en train de me détacher de tout cela? Pourquoi l'enthousiasme des débuts est progressivement recouvert d'un voile de lucidité
crue qui me fait paraître dans toute sa vanité cette fourmilière s'affairant dans tous les sens? Je regarde la foule défiler devant moi, incroyablement grise : les gens
ne portent plus de couleurs. Manteaux, parkas gris, bleus foncés, marron à la rigueur, blue jeans immanquables. Gros pulls cache-misère, physique et morale, éculés, des parkas gonflés,
délabrés; les gens mettent ce qui leur tombe sous la main, difforme, grossièrement superposé, pas festif du tout... Et ce n'est nullement une question de moyens. Grande tristesse de morne
uniformité sans âme, le souci de l'élégance semble d'un autre âge.
J'ai envie de contacts intéressants mais sincères, non fondés sur la dépendance, la vanité, le pouvoir minuscule de flatter les ego. Écrire? Grossir les rangs déjà bien fournis des
littérateurs médiocres ou pires qui se croient des génies méconnus? Flattés par devant, moqués par derrière... Des livres, des livres, invendables, vendus, jetés, pilonnés, vantés par des
mensonges, des omissions, des tromperies dans le seul but de faire rouler le commerce... Pour s'acheter quoi? Des biens? Barrages contre la mort inéluctable?... Illusions. Gilbert est arrivé
là où toutes vanité et illusion prennent fin.