Oeuvre de Gilbert * La Trilogie Armstrong (inédit et inachevé) 17.
IV.
Une fenêtre étroite et grillée, percée très haut de façon qu'on ne pût pas y atteindre, éclairait cette petite pièce claire et sinistre ; et le fou, assis sur une chaise de paille, nous regardait d'un oeil fixe, vague et hanté.
Guy de Maupassant, La chevelure.
Armstrong 3 fut, au début du moins, une période optimiste. Le cancer dont souffrait Philibert Tique n'impliquait, à l'époque, aucune douleur particulière, aucun stigmate physique ; il n'imposait ni hospitalisation de longue durée ni incapacité de travailler ou de mener une vie familiale, amicale. Le malade ne voyait donc en cet envahisseur qu'un adversaire abstrait que des parades intellectuelles suffiraient à abattre. Lance Armstrong symbolisait l'ensemble de ces ripostes. Il figurait le rescapé glorieux, un modèle de courage, preuve vivante qu'une lutte acharnée désarme la maladie. Les anciens rêves de Tour de France n'entraient jamais en ligne de compte, balayés par une nouvelle vision de l'épreuve, parcours du combattant dont un cancéreux aux vertus exceptionnelles surmontait les embûches. Philibert Tique avait cessé de cultiver la nostalgie d'une carrière sportive ; le Galibier n'était plus un ennemi ; il défilait, inoffensif, sous les roues de Lance Armstrong.
Comparer les deux cancers aurait été aussi incongru que de comparer les talents cyclistes. Celui du Français n'était qu'un débutant, anecdotique et anodin. Celui de l'Américain culminait à des altitudes dignes de son palmarès. En 1996, le coureur remporte la Flèche Wallonne. Il a été champion du monde, trois ans plus tôt, a gagné quelques étapes du Tour. Soudain, on détecte en lui une tumeur maligne aux testicules, des métastases au poumon, au cerveau. Chimiothérapie, mutilation chirurgicale, les médecins sont pessimistes. La presse a déjà enterré le patient, gloire éphémère parmi tant d'autres. Bjarne Riis, Jan Ulrich et Marco Pantani, Richard Virenque pour les Français, de nouveaux champions escaladent la une de L'Equipe, pédalent sur les écrans. Et soudain, l'incroyable : une victoire sur cette maladie qu'on ose à peine nommer, le vélo arraché aux toiles des araignées. Lance Armstrong a maigri, presque cadavérique ; son regard s'est durci. Un déficit en kilogrammes dont il tire avantage dans la grimpée des cols; une capacité hors du commun à subir la souffrance, sans jamais ralentir. Il ne prétendait qu'aux courses d'un jour ? Le voici spécialiste des épreuves à étapes. L'endurance est son arme. Une quatrième place dans la Vuelta 1998 signe l'incroyable retour.
Une fenêtre étroite et grillée, percée très haut de façon qu'on ne pût pas y atteindre, éclairait cette petite pièce claire et sinistre ; et le fou, assis sur une chaise de paille, nous regardait d'un oeil fixe, vague et hanté.
Guy de Maupassant, La chevelure.
Armstrong 3 fut, au début du moins, une période optimiste. Le cancer dont souffrait Philibert Tique n'impliquait, à l'époque, aucune douleur particulière, aucun stigmate physique ; il n'imposait ni hospitalisation de longue durée ni incapacité de travailler ou de mener une vie familiale, amicale. Le malade ne voyait donc en cet envahisseur qu'un adversaire abstrait que des parades intellectuelles suffiraient à abattre. Lance Armstrong symbolisait l'ensemble de ces ripostes. Il figurait le rescapé glorieux, un modèle de courage, preuve vivante qu'une lutte acharnée désarme la maladie. Les anciens rêves de Tour de France n'entraient jamais en ligne de compte, balayés par une nouvelle vision de l'épreuve, parcours du combattant dont un cancéreux aux vertus exceptionnelles surmontait les embûches. Philibert Tique avait cessé de cultiver la nostalgie d'une carrière sportive ; le Galibier n'était plus un ennemi ; il défilait, inoffensif, sous les roues de Lance Armstrong.
Comparer les deux cancers aurait été aussi incongru que de comparer les talents cyclistes. Celui du Français n'était qu'un débutant, anecdotique et anodin. Celui de l'Américain culminait à des altitudes dignes de son palmarès. En 1996, le coureur remporte la Flèche Wallonne. Il a été champion du monde, trois ans plus tôt, a gagné quelques étapes du Tour. Soudain, on détecte en lui une tumeur maligne aux testicules, des métastases au poumon, au cerveau. Chimiothérapie, mutilation chirurgicale, les médecins sont pessimistes. La presse a déjà enterré le patient, gloire éphémère parmi tant d'autres. Bjarne Riis, Jan Ulrich et Marco Pantani, Richard Virenque pour les Français, de nouveaux champions escaladent la une de L'Equipe, pédalent sur les écrans. Et soudain, l'incroyable : une victoire sur cette maladie qu'on ose à peine nommer, le vélo arraché aux toiles des araignées. Lance Armstrong a maigri, presque cadavérique ; son regard s'est durci. Un déficit en kilogrammes dont il tire avantage dans la grimpée des cols; une capacité hors du commun à subir la souffrance, sans jamais ralentir. Il ne prétendait qu'aux courses d'un jour ? Le voici spécialiste des épreuves à étapes. L'endurance est son arme. Une quatrième place dans la Vuelta 1998 signe l'incroyable retour.
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