Magda Szabó: LIBER MORTIS (extrait)
Magda Szabó que les lecteurs français connaissent surtout depuis 2003, l'année où elle a obtenu le prix Fémina étranger pour son roman "La Porte", s'est éteinte en 2007, à 90 ans, un livre à la main. "Liber Mortis" (Livre des Morts), un journal qu'elle a tenu entre 1982 et 1990, n'est autre qu'un cri de douleur incessante, inspirée par la mort de son mari, l'écrivain Tibor Szobotka, injustement mésestimé et condamné au silence par le régime communiste. Trente-deux ans de vie commune, un amour intense et réciproque la laissent inconsolable.
(...) Je t'aime. Je dois l'écrire encore, je l'écris sans cesse: je t'aime. Mon amour, mon chéri, ne t'éloigne pas de moi, ne laisse pas la douleur s'atténuer. Que je reste, tremblante, en pleurs, en détresse, celle qui était à toi, qui t'aidait à vivre, qui te tenait la main, qui était tout pour toi et pour qui tu étais tout. Je préfère la souffrance jusqu'à la mort, pourvu que tu m'aimes, pourvu que je puisse t'aimer. Fais-moi signe, il est minuit, je t'attends comme d'habitude. Fais-moi signe. A l'instant, tu as fait tomber une cuillère, tu dois être tout près. Je vais me laver, me brosser les dents, ouvrir le lit, puis j'attends. Peut-être rêverai-je de toi. Je dors si peu, malgré toutes ces drogues, six heures tout au plus, cinq plus probablement. J'ai encore maigri; pourtant, je dois continuer à vivre, trop de travail, de larmes aussi, et pas assez de nourriture. Mais je n'ai besoin de rien, c'est de toi que j'aurais besoin. (...)
traduit par R. T.