Le blog de Flora

De l'âme des objets...

18 Juillet 2011, 17:24pm

Publié par Flora

DSCN0157.JPG  Parfois, comme beaucoup d'entre nous, je me sens submergée, envahie par des objets dont certains m'accompagnent depuis des décennies. Pour me rappeler les différentes "stations" de mes pérégrinations, comme imprégnés par ce que j'ai vécu. A chaque étape, de nouveaux objets s'ajoutent aux anciens, pour vivre en harmonie dans leur joyeuse et pagailleuse diversité. Souvent, ils ont peu de valeur marchande.

   Ils permettent de rompre la linéarité de mes souvenirs, sautant de coq à l'âne. Ils évoquent, ressuscitent instantanément des images, des parfums, de la chaleur ou des frissons sur la peau, une ambiance en somme.

   Dans mon placard, je garde un vieux châle noir, en laine bouclée, avec des franges. Un Berliner. Il a appartenu à ma grand-mère paternelle qui ne l'avait presque pas porté, l'ayant conservé pour les grands jours qui étaient rares. A chaque fois, c'est elle que je revois derrière ce bout de tissu, son visage ridé dans le cadre de l'immanquable foulard, son regard qui a conservé tout son mystère, car elle ne m'avait jamais raconté sa vie...

   Ce petit kilim rappelle notre premier voyage, en février, d'Istanbul vers la mer Egée. Après les pentes vertigineuses, balayées par des bourrasques violentes de l'antique théâtre de Pergame, nous sommes conviés dans une maisonnette sans prétention. Nous nous déchaussons pour nous asseoir  dans la propreté immaculée, recouverte de kilims, de l'unique pièce à vivre et à dormir. Nous dégustons le thé traditionnel mais notre conversation est encore extrêmement dépouillée, au bout de quelques mois en Turquie. La maîtresse des lieux nous propose des foulards blancs, brodés de ses mains qui ne doivent jamais rester désoeuvrées. Nous prenons aussi ce petit cicim (pron. "djidjime") d'un mètre carré environ, sans doute pas très ancien mais nous commençons juste à nous initier. Avant de partir, notre hôte me fait cadeau d'une petite lampe à huile ébréchée en terre cuite, trouvée dans les ruines. Je n'y connais rien, je ne peux pas l'apprécier à sa juste valeur. D'ailleurs, elle n'en a qu'une, à mes yeux: celle de cet instant, d'une petite passerelle entre deux âmes...

   Une lettre de mon père... Il appuie fort sur le stylo car ses mains sont habituées au travail physique qui demande une grande fermeté du geste. Derrière sa belle écriture liée, énergique, dépourvue de fautes d'orthographe, régulièrement penchée vers la droite, je ressens le brillant élève qu'il aurait pu devenir si... Eternels regrets devant la fatalité qui nous place dans telle ou telle circonstance historique... Je suis particulièrement touchée par des manuscrits. Nous y sommes présents, comme si nos mains transmettaient une part intime de notre être, dévoilée indépendamment de notre volonté. Prendre un stylo, c'est prendre la peine de toucher le destinataire de la main, de lui abandonner une trace de notre passage... Ainsi, mes grands-parents, mes parents, des amis et des amours resteront près de moi jusqu'à la limite de nos éternités respectives...

   "Objets inanimés, avez vous donc une âme

    Qui s'attache à notre âme et la force d'aimer..."

Merci à Mimi qui se reconnaîtra, pour ces vers de Lamartine.

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L
<br /> j'aime comme vous conserver des souvenirs avec moi. Je vous retrouve dans ce souci de faire perdurer un peu ceux qui ont été...<br /> <br /> <br />
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F
<br /> <br /> A mesure que la peau de chagrin rétrécit, nous nous agrippons à nos oripeaux...<br /> <br /> <br /> <br />
M
<br /> Tout simplement et pour conclure, c'est un texte qui a su vraiment me parler.<br /> <br /> <br />
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F
<br /> <br /> Merci, Michel. Qu'une bonne semaine commence!<br /> <br /> <br /> <br />
M
<br /> Où l'on apprécie particulièrement l'évocation de ce stylo sur lequel il appuie fortement, en corrélation totale avec la ruralité si ce n'est symbiose même, comme pour mieux labourer de ses lignes<br /> d'écriture le papier vierge, pour l'ensemencer de ses propres pensées et " prendre la peine de toucher le destinataire de sa main "... Beauté de ces lignes, tout comme celles sur ce châle noir qui<br /> me rappelle tout à fait celui que portaient ici aussi la plupart de nos grand-mères catalanes.<br /> <br /> <br />
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F
<br /> <br /> Merci, Michel, j'y suis particulièrement sensible. (et je me régale à visiter les analyses savantes sur votre blog)<br /> <br /> <br /> <br />
F
<br /> Il y a parfois des possibilités importantes laissées en friches, que deviennent-elles? Transmet-on ces désirs, même inconsciemment?… celle que tu évoques pour ton père a une résonance très forte.<br /> <br /> <br />
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F
<br /> <br /> Tu as sans doute raison pour ce qui est de la transmission des désirs! J'ai souvent entendu dans mon enfance, de mes grands-parents et de mes parents les échos de ces désirs refoulés... Et durant<br /> mes études, je n'ai cessé de les y associer en pensée...<br /> <br /> <br /> <br />
M
<br /> Merci, oui le sculpteur c'est bien lui de Cabestany dont je voulais vous faire découvrir une partie de sa statuaire ; quant au fils, il portait, je sais, le même prénom et cela se pourrait aussi<br /> que ce soit bien lui.<br /> <br /> <br />
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F
<br /> <br /> Vous pouvez retrouver ses coordonnées à Nancy sur le Net!<br /> <br /> <br /> <br />