Le blog de Flora

Comme une corde au cou...

21 Janvier 2012, 20:10pm

Publié par Flora bis

illo-pour-Aquarelles.jpg Il y a des jours où, engluée dans mes retards, mes impuissances, je languis après une plage de temps libre, en pensant à tout ce qu'elle me permettrait de réaliser d'exaltant, d'appétissant, d'indispensable si, pelotonnée dans le silence, je pouvais enfin y accéder, sans que rien, ni personne ne m'en empêche! Puis, quand cela arrive enfin, la possibilité, littéralement me paralyse... Et une histoire ancienne, obsédante, refait surface.

   Dans la nouvelle maison où nous emménageâmes en janvier 1957, il y avait une pièce qui me donnait des frissons. J'y entrais avec réticence, oppressée par des pesanteurs maléfiques. L'ancienne propriétaire nous conta son histoire.

   Elle nous vendit la maison héritée de ses parents. Son père était revenu de la guerre avec un handicap lourd mais invisible: un obus avait explosé près de lui, ne laissant aucune égratignure mais une obsession indélogeable: une envie de se pendre... 

   Il fit de nombreuses tentatives mais la famille aux aguets l'en empêcha toujours au dernier moment.

   Un samedi, sa femme et sa fille vaquaient à leurs occupations, se préparaient pour le marché. Le père mit son costume du dimanche, le noir qu'il gardait pour la messe, en disant qu'il allait bavarder avec des amis sous les platanes.

   De retour à la maison, la fille poussa la porte de la chambre mais celle-ci restait coincée par un obstacle lourd. Par la fenêtre latérale, elle aperçut la grande silhouette droite du père, vêtue de noir, se tenant debout sous une corde nouée à la poutre, le visage envahi par une clarté jubilatoire, soulagé, libre. Il était mort, debout. Pétrifié à l'idée de pouvoir enfin accéder à son désir obsédant. 

 

P.S. après quelques commentaires, il m'a semblé nécessaire d'ajouter ces précisions: le caractère unique et "original" de cette histoire réside dans le fait que justement, il ne s'est pas pendu! Il a bien noué la corde à la poutre mais il n'a pas eu besoin de se la mettre autour du cou. Son coeur s'est arrêté, pétrifié sous l'effet de la grande émotion qu'enfin, personne ne pourrait l'empêcher de réaliser son désir obsessionnel. Et il est resté debout, oui... Histoire vraie, racontée par sa fille qui l'a découvert. C'est bien pour cela qu'elle me hante...

   

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A
chère Flora, merci pour tes citations, en voici deux autres:<br /> Vivre, c'est survivre à un enfant mort. Jean Genet<br /> <br /> Vivre, c'est naître sans cesse. La mort n'est qu'une ultime naissance, le linceul, notre dernier lange. Marcel Jouhandeau<br /> bosoir Agnès
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F
<br /> <br /> Dis donc, ton choix n'est pas gai, ma chère Agnès. <br /> <br /> <br /> Je te reverrai demain avec plaisir!<br /> <br /> <br /> <br />
F
j'ai remarqué aussi que parfois certaines personnes très "terre à terre" (d'origine paysanne, sans jeu de mots entre autres) pouvaient justement partir dans ce genre de plan… mais entre les effets<br /> de la frayeur, les transformations de la mémoire, et l'envie d'être écouté, il y a tant de possibilités…
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F
<br /> <br /> Il y a peut-être une autre explication, plausible... Je chercherai.<br /> <br /> <br /> <br />
A
Quelle étrange obsession que de vouloir se pendre, surtout après un événement de guerre. Je comprends que ceci ait pu hanter ton imagination.<br /> @+
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F
<br /> <br /> Absolument. Etrange et belle histoire dans son aspect tragique...<br /> <br /> <br /> <br />
F
Ah, mais le corps ne reste pas debout en venant de mourir, il ne se pétrifie pas dans ces conditions… sauf dans les histoires créées pour épouvanter. Je regrette que cette dame ait voulu rajouter<br /> du fantastique au drame (son drame) pour impressionner, ça me peine un peu car ça a trop bien marché auprès de la fillette que tu étais…
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F
<br /> <br /> Je ne sais pas... Tout cela semble fantastique mais cette voisine  -  la fille en question qui l'a découvert  -  que j'ai côtoyée vingt ans, n'était pas du tout attirée par le<br /> surnaturel, bien au contraire! je chercherai pour trouver l'explication plausible... <br /> <br /> <br /> <br />
L
Les murs ont de la mémoire,comme sur une plaque photographique<br /> les instants émotionnels violents sont imprimés ,n'importe quel<br /> géobiologue amateur l'aurait évoqué...si ces obsessions de pendaison ont abouti à la pendaison,c'est qu'elles avaient AUSSI un écho dans la mémoire de ce monsieur...
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F
<br /> <br /> Justement, elles n'ont pas abouti à la pendaison! (voir p.s. annexe)<br /> <br /> <br /> Personnellement, je penche plutôt vers l'impression dans notre mémoire... Je ne suis pas sure que quelqu'un, ne connaissant pas l'histoire, ait pu ressentir la même chose en entrant dans<br /> la pièce...<br /> <br /> <br /> <br />