Le blog de Flora

bribes de mémoire 63. Au Grand Bazar d'Istanbul

8 Avril 2010, 14:26pm

Publié par Flora

bazar3.jpgKapalı çarşı... Le Grand Bazar... Un des endroits, pour moi, où bat le coeur d'Istanbul, réel ou imaginaire... Trop touristique pour les "vrais" habitants? Sans doute. Marée humaine des troupeaux compacts en casquettes et bermudas, venus de tous les pays du monde, en mal d'affaires ou d'exotisme, du petit souvenir kitsch ou de l'objet de collection plus rare, accessible aux seuls avertis et introduits en confiance auprès d'un marchand attitré...

   Le Bazar me fascinait. Je crois que je n'étais pas dupe, mais les plus ou moins grosses ficelles des marchands m'amusaient. Marchander pour le plaisir? Petit jeu auquel tout le monde s'adonne. Arrivée parfois plus tôt, avant la grande affluence, dans la fraîcheur propre de la matinée, à l'ouverture des boutiques aux gestes pesés, à l'accrochage des marchandises sur les devantures et les premiers thés du jour... Aux premiers clients, censés porter chance, on offre souvent 50 % de réduction. 

   J'ai mes habitudes, mes points de chute, bien entendu. Je voudrais rendre hommage ici à Kato, marchand arménien d'objets artisanaux en cuivre et en argent, sans doute des plus beaux, des plus authentiques du Bazar. Sa petite boutique ne paye pas de mine. Nous discutons de choses et d'autres, de la santé de la famille, des merveilles de sa boutique et de politique aussi, avec une certaine précaution, en sirotant notre çay ou notre sade kahve. Parfois, il me fait un signe discret d'attendre le départ du chaland : "Dans la vitrine, c'est prix pour touristes, pour vous, c'est prix d'amis, à diviser par trois". Un jour, d'une mine de conspirateur, il m'invite à le suivre dans son minuscule grenier  -  plutôt une soupente  -  par une petite échelle. Là-haut, il garde ses pièces les plus précieuses, enfouies dans des papiers journaux, sous des étagères. Il en extirpe une, extraordinaire coupe en cuivre datant de la fin du 17e - début du 18e siècles, travail persan finement ciselé. Il montre aussitôt sa soeur jumelle, sur le catalogue d'un musée américain. "Il n'en existe que ces deux exemplaires. C'est pour vous, autant savoir, chez qui elle va." Je suis très touchée, très émue mais c'est une folie. "Kato, vendez-la, je ne peux pas l'acheter." Quelques semaines plus tard, je suis de retour au Bazar. Petit clin d'oeil complice de Kato vers son "grenier" : "Vous savez, elle vous attend toujours." Je craque et me décide. Il l'emballe dans plusieurs couches de journaux et me dit de l'emporter : "Vous paierez plus tard, comme vous pourrez."

   Avant de quitter définitivement Istanbul, je retourne au Bazar pour dire adieu à "mes" marchands. Nous nous embrassons avec Kato, en écrasant une larme et il m'offre une petite coupe en souvenir. J'apprends il y a peu sur un blog qu'il est mort dans un accident de voiture. Il continue cependant à vivre dans tous les beaux objets qui m'entourent, à chaque fois que mon regard se pose sur eux...

la suite suivra...

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B
<br /> Ó, az az ábrándos tekintet, összetéveszthetetlen! :))))<br /> <br /> <br />
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F
<br /> <br /> Ez az ábrándos tekintet, sajnos, legalább 25 évvel ezelőttre tehető... De az is lehet, hogy maradt belőle valami...<br /> <br /> <br /> Kösz, Ági, a látogatást, majd magyar blogomon is megírom Isztambult!<br /> <br /> <br /> <br />
L
<br /> la Coupe du Graal...chère Flora ,tu l'as peut-être chez toi ?<br /> <br /> <br />
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F
<br /> <br /> Ne sommes-nous pas à sa recherche, ma chère Magicienne? (surtout toi, en tant que la fille de Merlin..)<br /> <br /> <br /> <br />
A
<br /> J'ai raté la visite du bazar d'Istambul, merci de nous y emmener.<br /> @+<br /> <br /> <br />
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F
<br /> <br /> Tu as vraiment râté quelque chose... mais ce n'est pas trop tard!<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> J'ai retrouvé 2 de nos vieilles lettres : Gilbert a joué 2 fois sur le Colbert  en escale à Istanul : en 1987 et en 1990. <br /> <br /> <br /> <br />
M
<br /> Chère Flora, c'est une belle histoire et une très belle photo qui te va comme un gant ! On en redemande des souvenirs qui ont l'air d'être hier.<br /> <br /> <br />
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F
<br /> <br /> Merci, ma chère Mu, ce n'était pas exactement hier, plutôt avant-hier, mais dans ma tête, c'est intact...<br /> <br /> <br /> <br />
F
<br /> Tu t'adaptes comme un poisson dans l'eau… :-)<br /> C'est toi sur la photo j'imagine…<br /> <br /> <br />
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F
<br /> <br /> Oui, c'était moi, il y a 20 ans...<br /> <br /> <br /> C'est vrai que j'ai de la chance de m'adapter assez facilement (excepté à Libourne...)<br /> <br /> <br /> <br />