Le blog de Flora

Bribes de mémoire 58. En route vers la Turquie

8 Février 2010, 19:22pm

Publié par Flora

   Nous traversons la Bosnie, la Macédoine yougoslave, régions qui seront dévastées quelques années plus tard par une guerre fratricide... La Grèce nous accueille avec un poste de frontière somnolent et perdu où, seuls voyageurs, nous patientons plusieurs heures en attendant la fin de la sieste du douanier. Sur le plateau aride qui suit la frontière, nous sommes attaqués par une horde de chiens errants, devenus de véritables loups qui nous flanquent une terreur authentique. Nous décidons de passer la nuit dans notre voiture, désormais impossible à fermer et nous optons pour la rue principale et éclairée d'un village. Il fait encore très doux pour une mi-octobre et nous devons laisser nos carreaux (rescapés) entrouverts pour respirer. Mais c'est sans compter avec les attaques inlassables des meutes de moustiques gros comme des éléphants... et j'exagère à peine ! Vers 3 heures du matin, de guerre lasse, nous reprenons la route car les habitants du village sont encore en pleine fête, histoire de rattraper les heures de sieste perdues...
   Ėreintés, nous abordons la Turquie et les quelques centaines de kilomètres de sa partie européenne qui mènent à Istanbul.
   La première vague d'enthousiasme de pouvoir repartir à l'aventure et d'échapper à l'étouffement libournais passée, j'attends la découverte de la Turquie avec des sentiments mitigés. Il faut savoir que dans l'imaginaire hongrois, le Turc occupe une place particulière : même les contes et les comptines pour enfants le présentent comme le méchant, équivalent de l'ogre ou du grand méchant loup ! Je me souviens de la mine catastrophée de ma mère à la nouvelle de notre départ pour la Turquie...
   La raison en est 150 ans de l'histoire de la Hongrie entre le 16e et la fin du 17e siècles : les grandes manoeuvres successives de l'empire ottoman vers l'Europe et la Hongrie comme dernier bastion chrétien qui prend les coups de boutoir turc. En 1526, la bataille de Mohács, titre de gloire de Soliman le Magnifique, sonne le glas du royaume de Hongrie, désormais partagé entre les Habsbourg et la Sublime Porte... Les Turcs dévastent le pays, enlèvent des enfants qui deviendront janissaires ou peupleront les harems, les seigneurs hongrois auront le choix de devenir Turcs et dignitaires ottomans ou moisir en prison (je me souviens de mon émotion à la visite des ruines de
Yedikule, célèbre prison de mes lectures qui a bu tant de larmes de prisonniers hongrois...) Signe évocateur : à Budapest, il existe une rue "du Fléau turc" (Törökvész utca), tandis qu'à Istanbul, je tombe sur la rue "des Frères hongrois" (Macar Kardeşler Caddesi). On n'avait pas vécu la même histoire ou les Turcs n'étaient pas rancuniers... Les six années de notre séjour et de nombreux voyages écumant tout le pays me font tomber sous le charme de ce vaste pays et de ses habitants chaleureux et accueillants. Le charme continue à opérer vingt ans après, et je garde une profonde et indélébile nostalgie pour la Turquie où je me sentais chez moi...   
    
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L
<br /> le temps qui passe sur les horreurs commises<br /> par les hommes efface les rancunes ...<br /> <br /> <br />
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F
<br /> La mémoire collective nourrie de lectures et d'études de l'histoire se modifie au contact des "vrais gens".<br /> Comme quoi, l'ignorance de l'autre est le nid de l'hostilité... <br /> <br /> <br />
L
<br /> Je comprends votre attachement pour ce pays. Tout est bien dit dans ce récit où l'on perçoit le parfum d'aventure, l'humour et la nostalgie. Quelle est l'influence de la Turquie dans votre vie ?<br /> <br /> <br />
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F
<br /> Parmi les pays où nous avons été en poste, c'est là que je me sentais le mieux intégrée; à la fois familier et exotique, sophistiqué et bruissant de vie, dynamique et attaché à ses traditions...<br /> J'ai découvert la lointaine parenté entre nos deux langues aussi... <br /> <br /> <br />
J
<br /> Merci de ce voyage toujours renouvelé. C'est un plaisir qui ne se commente pas.<br /> Bonne nuit à toi.<br /> José<br /> <br /> <br />
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F
<br /> Merci de ta fidélité, José.<br /> Bonne journée! R. <br /> <br /> <br />