Bribes de mémoire 72. S'expatrier en Algérie
Le déménagement de mes affaires de Hongrie mérite un petit détour en quelques mots. A première vue, cela paraît simple : au début de ma vie professionnelle, je n'en possédais pas des montagnes. Des vêtements et surtout des livres dont je n'imaginais pas me séparer. Il a fallu une autorisation spéciale de la Bibliothèque Nationale sur présentation desdits livres et non seulement de leur liste! Donc, tout charrier à Budapest, aller et retour! L'emballage de toutes mes affaires, vêtements et livres, a du s'effectuer à notre domicile, par des mains propres (gantées!) de deux douaniers qui ont pu apposer ainsi un sceau inviolable sur les malles.
Elles sont arrivées en France pour être ajoutées à celles de Gilbert, augmentées de quelques meubles de famille prêtés pour notre future vie nord-africaine. Le mois d'août s'est passé en d'innombrables formalités à régler. Au moment où Gilbert prenait l'avion pour Alger, une crise d'appendicite m'a clouée sur un lit d'hôpital à Laon et ainsi, je ne l'ai rejoint qu'avec une semaine de retard et quelques points de suture de plus...
Débarquée à l'aéroport de Constantine, j'ai été plongée aussitôt dans une multitude de sensations nouvelles et inattendues : les bruits, la lumière, les parfums et le paysage, les essaims d'enfants courant en liberté parmi les voitures et ce ciel si haut, si profond et si lumineux! Je me souviens de l'émotion encore si vivante d'un léger étourdissement, causé à la fois par ma récente hospitalisation, la chaleur africaine et surtout, les retrouvailles avec Gilbert que j'avais quitté pour la première fois... Nous étions, tous les deux, dans une bulle, sur notre nuage privé!
J'ai trouvé mon mari tout neuf au bord de la déprime : dans un Constantine surpeuplé, trouver un logement était quasi insurmontable! Nous avons échoué dans un centre d'accueil de la MGEN, un appartement où, par chance, on a pu nous attribuer une chambre avec un grand lit, tandis que 4 autres enseignants français célibataires étaient regroupés dans le salon. Un pèlerinage hebdomadaire débutait alors aux bureaux de la C.I.A. (sic!) - Compagnie Immobilière Algérienne - dans l'espoir de nous voir accorder un logement, nécessité d'autant plus urgente que notre déménagement ne tardait pas à arriver. Les employés impassibles derrière leurs guichets ne nous donnaient jamais de réponse définitive mais invariablement la même : "Revenez dans une semaine!"