Le blog de Flora

Bribes de mémoire 68. Serviabilité turque

6 Juin 2010, 17:35pm

Publié par Flora

Nemrut à 3Je ne peux pas évoquer mes souvenirs de Turquie sans parler de l'extraordinaire serviabilité des Turcs. Au début, forts de nos réactions forgées dans des pays où tout se paie, où toute assistance est sous garantie et on en a pour son argent, ici, on se dit : que se cache-t-il derrière la gentillesse apparemment gratuite? Avec quelle arrière-pensée me rend-on ce service qui dépasse l'entendement? Tirez-en les conclusions après ces quelques exemples parmi tant d'autres.

   Tomber en panne sur une route de montagne n'est pas drôle. Surtout, sous une pluie battante... Au bout de quelques minutes, le temps de nous rendre compte du caractère désespérant de la situation, une voiture s'arrête et le conducteur mouille sa chemise pour examiner ce qui se cache sous notre capot. Je ne saurais vous expliquer la panne mais lui, sans hésiter, détache la ceinture de son pantalon et bricole la pièce défaillante avec la ceinture taillée à l'aide de son couteau. Il nous dit que ça tiendra bien jusqu'au prochain garage et propose même de le suivre au cas où...

   Nous arpentons dans la neige les flancs du mont Nemrut que j'ai décrit dans mon précédent billet. Plus de 2000 m d'altitude quand-même! Nous voulons voir de près les statues géantes décapitées. Au départ de la grimpette, une modeste cabane avec quelques souvenirs et tapis bariolés pour touristes. Nous saluons le gardien des lieux en précisant que nous boirions bien un thé à notre retour.

   Nous passons un certain temps au sommet pour souffler, pour prendre les photos souvenirs et pour nous émerveiller du spectacle époustouflant. Qui voyons-nous arriver, s'escrimant à équilibrer son plateau avec les six verres de thé fumant, sur le sentier glissant? Notre gardien qui nous livre le thé au sommet, en toute simplicité! Pour le même prix...

    

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Du "repli sur son âme"...

5 Juin 2010, 20:49pm

Publié par Flora

   Quitter toute "foire des vanités", des activités nécessitant une plus grande exposition, un conflit dérisoire des ego, cela faisait quelques mois que j'en ressentais un besoin mal défini, sans en comprendre vraiment les origines. Des changements s'opéraient en douceur et j'en éprouvais même une vague inquiétude : moi qui jadis, fuyais la solitude, j'étais irrésistiblement attirée dans la direction opposée, vers des "voyages intérieurs", une mise au point avec moi même.

   En plein bouleversement, je tombe sur la recension du livre de Michel Onfray : Le recours aux forêts. La tentation de Démocrite (éditions Galilée 2009, 90 pages, 14 €). Et ce que je lis se trouve en parfaite synchronie avec mes obscurs ressentis, leur conférant un éclairage possible : "Lorsque l'on sait que l'on s'étourdit dans ce que Pascal nommait "le divertissement", lorsque vient la fatigue et que l'on cesse d'être les dupes du cirque auquel on participe malgré soi, alors on se dit qu'il est l'heure du repli. Mais de quel repli s'agit-il ? D'un repli sur son âme, non d'un repli sur soi. La différence est de taille. Apprendre à quitter le monde tout en restant dans le monde : telle est l'alternative que proposait Démocrite à qui, conscient de la désolation alentour, refuse de céder à la haine, à la misanthropie, à l'amertume ou au dédain." 

   Je prends. Ce "repli sur son âme" ne signifie pas se retirer dans un monastère ou sur une île déserte, ni dans sa tour d'ivoire. Il peut se nommer réflexion, lecture, écriture, peinture, échange de propos avec les autres, approfondissant, galvanisant même parfois ladite réflexion sur notre fulgurant et éphémère passage dans le monde. Savourer le luxe inouï de pouvoir prendre son temps, au prix même de la solitude...  

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János Pilinszky (1921-1981) : Agonia christiana

4 Juin 2010, 12:02pm

Publié par Flora

AGONIA  CHRISTIANA

Avec ses brises, avec ses fleuves,

l'aube est si loin encore !

Je mets ma chemise et mes vêtements.

Je boutonne ma mort.

(traduction : Maurice Regnaut)

 

AGONIA CHRISTIANA

Szellőivel, folyóival

oly messze még a virradat !

Felöltöm ingem és ruhám.

Begombolom halálomat.
 

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Oeuvre de Gilbert * La Trilogie Armstrong (inédit et inachevé) 25.

2 Juin 2010, 18:59pm

Publié par Flora

   L'idée m'est venue d'acheter une petite souris mécanique et de la lâcher dans la maison sans poupées, afin de générer du mouvement. Au point de désarroi où j'en étais, je me serais volontiers rendu acquéreur d'une colonie de termites. Se seraient-ils contentés des maquettes ? Un accès de prudence m'a suggéré un geste simple. Dans le couloir miniature, à l'endroit précis où l'eau coule du plafond réel, j'ai percé un trou et disposé des gravats miniatures sur le sol. Pour faire bonne mesure, j'ai répandu de l'eau dans le couloir. Le bois gondole.

   Ce n'est qu'après coup que j'ai réalisé le caractère morbide de cette action. Je me suis enfermé dans mon bureau, pour être absent lorsque ma femme découvrirait le sacrilège. J'attendais des cris, des larmes, une porte qui claque. Rien n'est venu que du silence. Une drôle de guerre : Séverine ne vitupère pas, ne me prive pas de nourriture ou de caresses. Ses reproches sont muets ; le flou du désespoir dans son regard.

   Une rechute de sa maladie contraint Marcel à quitter Paris. La guerre est achevée depuis plusieurs années lorsqu'il fait son retour, invité à une soirée chez le Prince de Guermantes. Il y découvre un monde bouleversé. Des êtres qu'il a connus jeunes et brillants sont des vieillards. Monsieur de Charlus a sombré un peu plus dans la déchéance. Des bourgeois sans finesse se sont introduits dans le cercle aristocratique.  La princesse de Guermantes en effet était morte et c'est l'ex-madame Verdurin que le prince, ruiné par la défaite allemande, avait épousée. (...) Mme Verdurin était Princesse de Guermantes et avait dans le faubourg Saint-Germain une grande situation qui eût fort étonné à Combray, où les dames de la rue de l'Oiseau, la fille de Mme Goupil et la belle-fille de Mme Sazerat, toutes ces dernières années, avant que Mme Verdurin ne fût Princesse de Guermantes, avaient dit en ricanant "la duchesse de Duras", comme si c'eût été un rôle que Mme Verdurin eût tenu au théâtre. Odette est la maîtresse du vieux duc et Rachel, que tous méprisaient, une actrice célèbre accueillie à bras ouverts dans les salons.

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