Des masques...
"Je savais que le bien comme le mal est affaire de routine,
que le temporaire se prolonge, que l'extérieur s'infiltre au-dedans,
et que le masque, à la longue, devient visage."
(Marguerite Yourcenar: "Mémoires d'Hadrien")
Des masques... Je crois que nous en portons tous. Les plus faciles à déceler, ce sont ceux des acteurs: à la fin du spectacle, sous les applaudissements, leurs visages tout d'un coup changent d'aspect. Jusqu'alors, ils donnaient l'impression de porter celui de leurs personnages incarnés. En saluant le public, ils retrouvent le leur, comme "dénudé".
Dans la vie "réelle", dans la société, au travail, entre amis, jusque dans la famille peut-être, nous revêtons nos masques adéquats. Celui que les circonstances exigent de nous. Le gendarme qui vous contrôle sur la route, porte le masque de l'intransigeance, le psychanalyste demeure neutre et impénétrable, l'amuseur de service à la télé garde la grimace permanente de la bonne humeur. Notre sourire jovial dissimule nos rancoeurs refoulées afin de préserver les bonnes relations entre amis. Et la famille? En principe, c'est le terrain qui nous autoriserait le plus à être nous-mêmes. En réalité, ce n'est pas si simple. Je peux garder mon sourire joyeux pour cacher les tempêtes d'angoisse qui sévissent au fond de moi, pour ne pas inquiéter ceux que j'aime. Les enfants en premier lieu, car ils réagissent souvent en sismographes ultrasensibles...
Alors, pour faire tomber ce masque protecteur - qui peut devenir une prison - il faut s'abandonner. Ce n'est pas facile! A certains moments, un drame, une dispute, un cataclysme font tomber les murs de protection. Parfois, cet abandon de soi jusque là verrouillé survient dans une relation amoureuse si la confiance est gagnée. Plus rare que l'on n'imagine. C'est pour cette raison que la trahison est si douloureuse...
Seul(e) devant sa glace, fait-on tomber le masque? Je n'en suis pas sûre. Pas toujours, du moins.