L'art d'être grand-mère
Pendant une petite semaine, je n'étais pratiquement que grand-mère. Ce rôle ne me déplaît pas: je sais que ses plaisirs sont éphémères, qu'ils dureront peu de temps. Ils sont d'autant plus précieux. Certaines personnes en sont effrayées d'avance, pétries d'une sourde angoisse leur insinuant que l'apparition de la troisième génération sonne le tocsin de leur vie... Du moins, de leur fraîcheur relative...
Mes petites-filles sont arrivées dans ma vie au même moment que la solitude. Cependant, dès le début, j'ai bien décidé de ne pas les considérer comme "pansements" à mes douleurs, petits êtres destinés à combler le vide laissé par leur grand-père. Non, elles devaient avoir une place bien à elles. Mais quelle place, au juste?
Les prendre dans mes bras pour la première fois a réveillé irrésistiblement le souvenir de leur père nouveau-né, ce moment étrange où tout d'un coup, on se rend compte de la fin de l'insouciance: désormais, on est responsable d'une autre vie que la nôtre. A chaque instant.
Cette responsabilité incombe surtout aux parents. Moi, je suis là pour le plaisir, la transmission. Je ne suis pas obligée de penser à chaque instant à leur éducation: je peux les gâter un peu, sans toutefois ruiner les efforts des parents. Je n'ai pas besoin de punir: je négocie, j'impose en douceur. C'est plus facile aussi, sur les bases solides établies par les parents.
Et surtout, je possède un trésor: la disponibilité infinie. Le temps qui manque si cruellement à la génération des parents accaparés par la vie professionnelle. Bavardages sans fin, chansons ou coloriages pour lesquels je fournis le dessin sur commande, promenades ou cinéma et beaucoup de rires - la belle vie, quoi!